Connaissez-vous des entreprises qui utilisent quotidiennement le « Mind-mapping » dans toutes leurs activités ? Oui j’imagine … mais connaissez-vous des entrepreneurs qui développent des produits à base de « Mind-mapping » ? Peut-être moins. Entretien avec Pablo SANTAMARIA, chef d’entreprise et utilisateur averti de la cartographie mentale.
1. Qui est Pablo SANTAMARIA ?
A la sortie de l’Ecole Centrale, j’ai commencé ma carrière dans l’industrie pharmaceutique, en encadrant une équipe d’une trentaine de personnes qui géraient la maintenance d’une grande usine en province. Je suis entré ensuite dans le monde du conseil à l’époque des démarches Qualité Totale, avant la déferlante des normes ISO et des outils de reporting. Cela m’a permis de découvrir la puissance du travail en groupe, quelque soient les niveaux hiérarchiques des personnes concernées, à condition d’utiliser une méthode efficace. J’ai vite compris que les Nouvelles Technologies allaient permettre de faire travailler les personnes autrement et nous avons lancé FORMITEL en 1988 avec les premiers questionnaires en ligne – même si ce terme n’était pas utilisé à l’époque – sur Minitel.
2. Comment as-tu découvert le « Mind-mapping » ?
J’ai découvert le « Mind-mapping » en 2000, grâce à un ami consultant passionné qui m’a fait découvrir les premières versions du logiciel MindManager.
3. Dans le cadre de ton entreprise FORMITEL tu as développé une application très originale (IDEOTEST) utilisant le « Mind-mapping ». Peux-tu nous en dire quelques mots?
Depuis maintenant plus de 25 ans FORMITEL fait de la veille sur les Nouvelles Technologies de l’Information afin de trouver les meilleurs outils et méthodes qui permettront aux entreprises de réussir leurs projets de changement.
Le questionnaire interactif reste un de nos outils favoris. Or il se trouve que les questionnaires et les cartes d’idées sont deux familles d’objets très structurés. Les questionnaires sont constitués de parties, de libellés de questions et de modalités de réponses. Les cartes d’idées sont organisées avec des branches, des sous branches, des branches de niveau 2 etc.
Nous avons donc décidé, dès 2001, d’abandonner notre générateur historique pour utiliser des cartes d’idées pour concevoir nos questionnaires. Nous avons développé une interface permettant, à partir d’une simple cartes d’idées, de générer automatiquement le formulaire HTML présentant les questions mais aussi la requête permettant de créer la table des réponses dans une base de données SQL et même les calculs des scores pour rendre le questionnaire interactif et présenter son profil personnalisé à chaque participant.
4. Le produit « MindManager » est le seul à proposer la connexion avec une base de données. Pourquoi ne pas avoir utilisé cette fonctionnalité ?
A priori ses fonctionnalités permettent plutôt d’afficher des informations provenant d’une base de données. Dans notre cas il s’agissait de l’inverse : créer automatiquement une base de données à partir des informations contenues dans une carte.
Remarquons au passage que c’est s’éloigner un peu des règles de base du « Mind-mapping » que de produire des cartes à partir de bases de données externes. La société MindJet a cherché à se rapprocher des logiques de Microsoft, y compris en reprenant la logique du fameux ruban Office. Personnellement je trouve que l’on se perd vite dans ces rubans un peu complexes et que l’on n’a pas besoin d’autant de possibilités pour faire des cartes de qualité.
5. FORMITEL propose d’utiliser le « Mind-mapping » dans les réunions. Quel est ton retour d’expérience sur le sujet ?
Nos premières expériences d’utilisation du « Mind-mapping » en réunion étaient orientées vers la conception de questionnaires. Mais très vite nous nous sommes rendu compte que ces outils étaient utiles dans de très nombreux types de réunions. Ils représentent un gain de temps à la fois pour l’animateur et les participants puisque le compte rendu est disponible dès la fin de la réunion. Mais pour que les cartes d’idées ne soient pas utilisées à contre-emploi, il faut être très attentif aussi aux méthodes d’animation qui doivent accompagner leur usage. Nous avons d’ailleurs publié un livre sur ce sujet, qui présente les différentes méthodes génériques d’animation, avant de suggérer les meilleurs outils pour chacune d’entre elles.
Une des difficultés pour faire bouger les choses reste que la plupart du temps les animateurs sont contents des diapositives qu’ils ont partagées et de leur prestation d’animateur. Nous avons donc pris de temps de concevoir un diagnostic interactif qui permet, en quelques minutes, de faire le point sur les progrès potentiels. Il est accessible librement sur http://formitel.net/diagmeet à titre individuel et il peut aussi être utilisé pour construire une vision collective des réunions dans une société, l’aider à préparer son plan d’actions.
6. J’ai rencontré dernièrement un utilisateur qui gère ses réunions professionnelles avec le « Mind-mapping ». Son souci concerne le compte-rendu qu’il est obligé de produire en version papier. Tenant compte de cette contrainte, quel conseil(s) pourrais-tu lui donner ?
S’il est obligé de diffuser au format papier c’est peut-être parce qu’il n’a pas fait le bon choix côté outil ? Même si l’ensemble de ses interlocuteurs ne disposent pas du même outil de « Mind-mapping » que lui, la plupart des outils proposent d’autres alternatives d’exportation sous forme de fichiers au format texte, PDF, HTML… Nous avons d’ailleurs chez FORMITEL conçu des interfaces avec certains outils de « Mind-mapping » pour exporter les cartes au format HTML en permettant les commentaires via un simple navigateur. Ainsi les travaux peuvent continuer, même après la phase de réunion présentielle.
7.Le site en ligne Biggerplate a publié une enquête (Cf. ci-dessous) sur la pyramide des âges des utilisateurs de « Mind-mapping ». En tant que spécialiste des enquêtes et des sondages que penses-tu de ces résultats ?
Biggerplate a surtout cherché, je pense, à animer sa propre communauté. C’est à priori une bonne idée de chercher à mieux connaître les « Mind-mappeurs ». Peut-être que cela aurait été intéressant de chercher à ouvrir l’enquête plus largement, y compris vers des personnes n’ayant jamais entendu parler du « Mind-mapping » ? C’est un peu ce que nous tentons avec le diagnostic en ligne sur les réunions que je viens d’évoquer mais le questionnaire aurait eu des objectifs tout à fait différents. J’avoue que j’ai été surpris par la pyramide des âges des répondants à l’enquête. J’ai du mal à croire que la tranche d’âge comportant le plus d’utilisateurs de cartes d’idées soit celle des plus de 50 ans, même si j’en fais partie.
Par ailleurs je ne sais pas comment est gérée la communauté Biggerplate mais j’ai aussi été surpris de voir que la nouvelle « community manager » choisie pour animer la branche française est une personne, certes jeune, mais ne connaissant pas le « Mind-mapping ».
8. Quels conseils peux-tu nous donner dans le cadre d’une préparation d’une enquête avec le « Mind-mapping » ?
Pas facile de répondre simplement à une telle question ! Je dirais surtout qu’il est important de préparer vos questionnaires en s’appuyant sur un vrai groupe de travail, de préparer les questions ensemble, plutôt que de faire tourner un document Word que chacun complète de son côté. Et, pour ce travail de groupe, je ne vois pas meilleure alternative que les cartes d’idées !
9. Y-a-t-il d’autres domaines dans ton entreprise qui utilisent le « Mind-mapping » ?
Tu aurais pu poser la question dans l’autre sens ! Quels sont les domaines dans lesquels nous n’utilisons pas le « Mind-mapping » ? La réponse aurait été plus rapide : la gestion (paye, comptabilité), le CRM (historique de nos contacts clients) et le codage (pas possible d’écrire un programme java via une carte d’idées). Sinon le « Mind-mapping » est partout : réflexion stratégique, recrutement, veille concurrentielle, pilotage de chacun de nos projets avec compte-rendu des réunions chez nos clients mais aussi carte techniques pour la partie back-office, etc.
10. Après plus d’une décade d’utilisation de cette méthode, pour toi qu’est-ce que le « Mind-mapping » ?
C’est devenu un outil dont j’aurais beaucoup de mal à me passer ! Je suis content de voir que, comme moi, de nombreuses personnes l’utilisent à titre individuel. Par contre je reste sur ma faim concernant les utilisations collectives, moins fréquentes et parfois maladroites, voire contre productives, lorsque l’animateur ne respecte pas la dynamique du groupe.